Six heures du matin à Vercorin, il fait nuit... Les participants sont encore pleins de sommeil mais motivés à ce réveil matinal pour aller voir le seigneur de la forêt. Départ en silence le long du bisse, seul le chant de l'eau trouble cette marche méditative. Puis, à mi-parcours un autre fond sonore s'ajoute, celui des cerfs qui brament. Les cris sont variés et indiquent suivant leur tonalité, présence, langeur, défi, poursuite ou triomphe.
Arrivé au plat de la Lé, c'est le moment des premières observations à la buvette, déserte à cette heure si. À chaque zone dégagée, un cerf et sa harde de femelles qui peut atteindre jusqu'à 30 têtes. Pendant les amours, les cerfs sont beaucoup moins craintifs, tellement concentrés sur leur quête amoureuse. La période de fécondation de la biche est très courte, moins d'une journée, tandis que monsieur lui peut s'accoupler pendant un mois. Les yeux rivés dans mon télescope, les clients sont ravis. Les jeunes mâles, doivent patienter, ils ont leur chance quand les vieux, épuisés par le rut, n'ont plus la force de surveiller leur harde. Après une bonne heure d'observation, le froid nous fait bouger. Il y a quelques années, un éboulement a rendu le chemin normal inacessible, le nouvel itinéraire passe au milieu des places de brames. J'ai toujours le coeur un peu serré à l'idée de les déranger. Pas loin de nous un cerf nous observe avant de partir indigné se réfugier dans la forêt. Une forte odeur musquée embaume l'atmosphère. Les cerfs marquent leur territoire à l'aide d'une glande à odeur (larmier) située à l'angle interne des yeux et qui produit une sécrétion grasse dont ils enduisent arbres et arbustes. D'autres indices nous indiquent la présence de l'animal, la végétation est malmenée par les animaux et parfois l'arbre ne survit pas. Pour se débarrasser des parasites, il aime également se rouler dans des souilles (lieux humides). Avec le soleil, les observations sont encore plus belles, les chamois sont aussi de la partie, c'est l'époque ou le pelage change, prend une couleur foncée pour attirer la chaleur. Après ces merveilleux moments en symbiose avec la nature, les estomacs commencent à gargouiller, le petit déjeuner est bien loin. C'est un des moments forts de mes sorties, la fondue de chasse d'Anniviers. Les fourchettes plongent dans le bouillon, accompagné d'une délicieuse salade, de quelques sirops et d'un petit coup de génépi, tout est fabriqué par mes soins, sauf la viande et le vin rouge. C'est avec des étoiles dans les yeux que je les ramène aux voitures. Pour moi c'est à chaque fois magique, un privilège de pouvoir partager cette aventure au milieu des splendides couleurs automnales. Merci la vie!
Photos: Willy Maury/Valimages